Généralement,
les critiques sont d’avis que le récit fantastique
est structuré par trois étapes :
A.
La situation initiale qui exprime l’état initial particularisé
en une situation banale, voire familière qui semble être
rassurante et qui semble obéir aux règles de réalisme
et de vraisemblance. Mais dès cette première phase,
d’imperceptibles failles s’insinuent dans la narration.
Le lecteur et des fois le héros lui-même, se fait alerter
par plusieurs signes se reflétant dans une perception négative
et qui éveille sa vigilance lucide. Il n’arrivera bien
sûr pas à interpréter ces signes qu’à
posteriori.
B.
L’élément perturbateur Dans les cadres apparemment
normaux du réel, dans le monde « ordonné »
de la situation initiale survient un événement extraordinaire
ou aberrant qui vient perturber l’ordre des choses et remettre
en question les lois par lesquelles nous expliquons ordinairement
les événements de nos vies. Cet événement
qui bouleverse l’univers physique et psychique du héros
est perçu également, au deuxième niveau, par
le lecteur qui entre dans une phase de doute et de crise qui remet
en question la vraisemblance.
On peut assister à un seul événement fantastique,
mais il possible que cet événement ne soit que le
premier d’une série qui accélère le rythme
narratif et qui monte vers un point culminant. Une tension s’accroît
également au fur et à mesure que s’installe
un décalage entre la rigueur implacable de l’ordre
normal et le désordre qui bouleverse la vie des personnages.
Celle-ci entraîne aussi la perception négative du lecteur
qui entre, lui aussi, dans une phase de doute et de recherche de
l’explication.
C. La situation finale
Le retour à l’apparente stabilité de l’ordre
initial est plutôt rare. Certains récits paraissent
avoir esquissé un cercle parfait, à part un signe
qui fait tout basculer, transformant plutôt le cercle en spirale.
Nous rappelons que le cercle est le symbole de la perfection, car
le mouvement circulaire est immuable, sans commencement ou fin.
Il peut signifier l’éternel retour aux origines de
l’univers. De nos jours, le mythe de l’éternel
retour persiste dans le désir de l’homme de récupérer
le passé plénier à travers un temps fabuleux,
transhistorique.
Quant à la conclusion du conte, certains critiques sont d’avis
que le fantastique est plutôt un art de l’absence de
retournement final.
Nous nous proposons de faire observer qu’avec E. A. Poe et
Villiers de l’Isle-Adam, le fantastique passe dans l’art
de l’effet final et de la fin non conclusive, mais ouverte.
Nous sommes d’avis que les deux auteurs, sur l’œuvre
desquels nous nous sommes arrêtés, réalisent
à la perfection cet art de l’inachevé.
Dans Véra de Villiers de L’Isle-Adam la question que
nous nous posons à la fin c’est si les événements
racontés ont réellement eu lieu ou s’ils ont
été le fruit du délire ou du rêve du
comte d’Athol. Si le déroulement de l’intrigue
semble nous faire entrer dans un monde de pure fiction , de «
religieux rêve » où la vérité est
niée et l’imagination est reine, à la fin, le
rêve semble se déchirer aux yeux du personnage halluciné.
Après la dissolution définitive de l’apparition,
le comte revient à la vie et à la conscience réelle
: « Son rêve venait de se dissoudre d’un seul
coup ».
On retournerait à la réalité affreuse de la
mort de Véra avec l’impression que le comte d’Athol
avait été la proie d’une hallucination, si on
ne recevait pas la preuve qu’il n’avait par rêvé
ou que, du moins, son rêve était devenu réalité
: la clé du tombeau que le comte avait jetée dans
le caveau, avait été laissée par la défunte
tomber du lit nuptial. L’explication rationnelle -le comte
a été la victime d’une vision- est concurrencée
d’une explication surnaturelle qui semble s’imposer
avec la force d’une idée fascinante, exprimée
dans l’incipit du récit : « l’amour est
plus fort que la mort [...] oui, son mystérieux pouvoir est
illimité ».
Dans le Portrait ovale la fin nous projette dans une ambiguïté
profonde qui crée la perplexité et l’hésitation
chez le lecteur. Il s’agit d’une fin où les deux
explications sont possibles : l’intervention du surnaturel
et le rêve que le lecteur soupçonne avoir été
fait par le narrateur s’offrent également au lecteur.
Par un art subtil, l’auteur a abouti à toucher à
l’essence du fantastique, à le ménager et à
l’entretenir, ou, autrement dit, il a le mieux répondu
à l’exigence fixée par Todorov : « Il
faut que le texte oblige le lecteur [...] à hésiter
entre une explication naturelle et une explication surnaturelle
des événements évoqués ».
Quant aux instances narratives, le narrateur d’une histoire
fantastique, qu’il soit intradiégétique ou extradiégétique,
doit, avant tout, inspirer confiance, se présenter comme
quelqu’un de crédible. Cette confiance est plus facilement
accordée à un narrateur extradiégétique,
vu que son détachement de principe à l’égard
des événements racontés la place au-dessus
de tout soupçon.
Dans Véra la confiance dans le narrateur est renforcée
par une certaine compréhension qu’il semble avoir des
choses. Il parait d’abord en mesure de tout savoir sur ses
personnages, sur leur passé et leur avenir, sur les pensées
et les actions de ceux-ci. Plus encore, il apparaît comme
un être capable de comprendre et d’expliquer l’aventure
singulière du comte et de Véra, notamment la métaphysique
contenue dans la première phrase : « L’Amour
est plus fort que la Mort ». Une telle compréhension
semble lui permettre de présenter presque comme naturel l’événement
mystérieux du retour de la morte.
Le narrateur intradiégétique a donc une position moins
forte que celui extradiégétique : même si l’on
ne peut le suspecter à priori de chercher à tromper
le héros, on ne peut pas être sûr non plus qu’il
ne se trompe lui-même.
Dans le récit rétrospectif, le narrateur héros,
revenu de son expérience, est capable de nous la partager.
Ce qu’il ne savait pas expliquer au moment de l’intervention
de l’événement, il semble le savoir au moment
de l’énonciation. Cependant, dans bien des cas, la
prise de conscience est contemporaine de la prise de parole, car
la parole a ce pouvoir de dévoiler ce que l’acte a
caché.
C’est Edgar Allan Poe qui est spécialiste de cet art
de retracer cet acte de montée à la conscience des
héros narrateurs. La plupart de ses récits s’ouvrent
sur de longs prologues qui donnent les garanties de crédibilité
sur le narrateur et contiennent un examen fort détaille des
causes et des effets. Même si le lecteur fait confiance à
ce narrateur qui semble la raison même, il est dépassé
par la surabondance des détails et des signes.
Si dans Le Portrait ovale le narrateur est digne de toute confiance,
c’est d’abord grâce à la rigueur minutieuse
avec laquelle il raconte les événements qu’il
a vécus. La suspicion du lecteur est mise en branle par la
longue présentation du tableau de la femme. Malgré
cette insistance, il se donne la tâche d’être
prudent et lucide : il nous dit avoir cherché à «
préparer son esprit à une contemplation plus froide
et plus sûre» et s’être « assuré
que sa vue ne l’avait pas trompé», mais il montre
quand même le danger qu’il court d’être
en proie à un aveuglement ou à une illusion : «
Je ne pouvais pas douter, quand même je l’avais voulu,
que je n’y visse alors très nettement ».
En qualifiant de « vague » et de « singulier »,
le narrateur fait preuve d ‘une bonne appréciation
du récit qu’il va donner à lire à son
lecteur qui aura certainement les mêmes impressions que lui.
Le recul du temps, donné par le fait que la narration est
ultérieure, donne plus de crédit aux propos du narrateur
: n’étant plus pris par les événements,
il peut sans doute porter sur eux un regard plus lucide.
Lorsque la crédibilité du narrateur est sûre,
les changements de son caractère, sous l’effet des
événements extraordinaires qu’il raconte, troublent
le lecteur et modifient sa perception du réel et de l’imaginaire.
Chez E. A. Poe, les textes fantastiques ne parcourent plus le cercle
complet, présenté par nous au début et ne permettent
donc plus le retour au récit cadre.
La nouvelle Le Portrait ovale contient un texte dans le texte ou
un enchâssement de récits. Le narrateur fait le récit
d’une aventure qui lui est arrivée dans un château
des Apennins quand, grièvement blessé, il trouve refuge
dans un château récemment abandonné et où
il découvre le portrait d’une jeune fille douée
d’une expressivité particulière.
Un second texte est enchâssé dans le premier, un récit
étrange, figurant dans l’histoire du tableau : un peintre
aimant une jeune fille qui devint son épouse et puis son
modèle. Le peintre, qui est fou de son art, néglige
son modèle pour parfaire son chef-d’œuvre et il
ne voit pas qu’au fur et à mesure que son portrait
prend forme, sa femme s’étiole comme une fleur. Une
fois le tableau achevé, il le contemple et il s’exclame
: « C’est la Vie elle-même » , puis se retourne
et voit sa bien aimée morte. Le récit finit sans plus
retourner au point initial.
En comparant les deux récits du point de vue de leur contribution
à créer l’effet fantastique, nous nous rendons
compte du fait que toute l’ambiguïté de la nouvelle
repose sur ce texte enchâssé. La question que nous
sommes tentés de nous poser est : a-t-il vraiment existé
ou a-t-il été « écrit » dans le
rêve ? L’absence de reprise du récit par le narrateur
à la fin du texte interdit de trancher avec certitude. Dans
ce texte-ci, il ne s’agit pas de délégation
narrative habituelle, mais d’un vrai décrochage narratif.
Les deux récits sont reliés par une phrase qui tente
donner l’apparence de réalité au texte : «
j’y lus le vague et le singulier récit qui suit. ».
Le discours direct qui suit permet au lecteur d’avoir une
expérience aussi authentique que celle du narrateur. L’histoire
que ce deuxième récit raconte permet de comprendre
la position du narrateur qui semble être sûr de ce que
le peintre, en réalisent son chef d’œuvre, n’a
fait qu’arracher la vie à sa femme pour la «
transmettre » à sa toile : « Les couleurs qu’il
étalait sur la toile étaient tirées des joues
de celle qui était assise près de lui ».
Quant aux modalités de la narration, on sait que le narrateur
ne nous dit pas tout sur la fiction, mais il opère à
chaque fois un tri. Ce choix qu’il fait des informations fournies
et de leur distribution par la narration n’est pas aléatoire.
Dans le récit fantastique, le choix et la distribution des
informations sont utilisés pour créer le doute et
l’ambiguïté.
Dans Le Portrait ovale l’absence d’informations finales
portant sur la situation de communication sur laquelle nous n’apprenons
plus rien constitue un des ressorts de l’incertitude dans
lequel le lecteur se retrouve. C’est de là que vient
aussi l’impression de l’inachèvement que nous
laisse cette nouvelle. C’est sûr que toute reprise de
parole du narrateur dissiperait l’ambiguïté, en
nous faisant opter, de façon todorovienne, soit pour l’étrange,
soit pour le merveilleux.
Si la nouvelle de Poe nous laisse dans l’indétermination
totale à cause de cette impression d’inachèvement,
dans le récit de Villiers nous assistons à un véritable
coup de maître final. Nous étions sur la piste d’une
explication de type rationnel en optant pour une justification par
le rêve du narrateur fiévreux et excité par
les tableaux des murs et de sa chambre quand, d’un coup, une
notation bascule notre position en faveur de l’accréditation
du surnaturel : l’apparition de la clé du tombeau de
l’héroïne sert à apaiser le mystère
du texte. Cette notation fort simple: « un objet brillant
tomba du lit nuptial » fait la nouvelle brusquement basculer
dans l’irrationnel, au moment même où le lecteur
semble avoir opté pour l’idée que la résurrection
de Véra n’était que le produit du délire
« amoureux du compte ».
Deux explications prennent contour maintenant : l’une rationnelle
portant sur le délire et l’autre irrationnelle sur
la résurrection de Véra. Quant à la stratégie
du narrateur de nous partager l’information, il est certain
qu’il a joué sur l’effet créé par
la « disparition » dans le caveau de la clé st
son «réapparition ». Le lecteur se rappelle l’instance
avec laquelle son attention avait été attirée
sur le geste du comte jetant la clé dans le tombeau. Le narrateur
s’arrête lui-même sur ce geste et il est tenté
même de poser la question : « Pourquoi ceci ? ».
Le geste que fait le comte, a, dans la stratégie narrative,
le rôle de permettre au texte de fonctionner comme texte fantastique,
car il prépare le coup de théâtre final.
Quant à la focalisation, dans la première partie du
Portrait ovale, tout repose sur le regard d’un personnage
blessé et probablement en proie au délire, tandis
que la seconde partie du récit est donnée par un narrateur
omniscient. Nous avons donc affaire à la focalisation zéro.
L’emploi de la focalisation zéro fait que les données
narratives soient fort différentes : elles instaurent une
séparation de principe entre les acteurs de la fiction et
de l’instance narrative. Si ce type de focalisation est censé
être capable d’aider le lecteur à distinguer
le vrai du faux, en réalité, cela ne se passe pas,
et, au contraire, les lecteurs sont conduits vers une progressive
confusion des points de vue.
Dans Véra, la focalisation zéro instaure une séparation
de principe entre les acteurs de la fiction et de l’instance
narrative, mais on se rend compte par la suite qu’il se produit
un changement du point de vue. Si au début du conte, le narrateur
se recommande comme un témoin extérieur de l’action
qui décrit simplement des faits: « Un homme de trente-cinq
ans, en deuil, au visage mortellement pâle, descendit »,
on observe que, très vite, le narrateur est capable de nous
donner sur cet homme, ses actions, ses sentiments, les renseignements
les plus précis: « C’était le comte d’Athol
, ce matin même il avait couché dans un cercueil de
velours […] sa pâlissante épouse, Véra,
son désespoir ».
On sait que le régime de la description suit de près
la focalisation. La description objective est associée à
la narration à focalisation zéro, alors qu’une
description subjective est celle effectuée avec les yeux
et la sensibilité d’un personnage de l’histoire
racontée, étant donc associée à la narration
à focalisation interne.
La description par exemple de la chambre de Véra, correspond
au regard que porte le personnage sur les choses qui l’entourent.
Cette description est fortement subjective : influencée par
la mort de la femme : « Et maintenant il revoyait la chambre
veuve ».
Au moment culminant de l’apparition, les deux points de vue,
celui du narrateur et celui du comte, semblent coïncider, ce
qui se fait voir, au niveau de la phrase, dans l’emploi de
l’indéfini, ou de l’impersonnel : « Et
des phénomènes singuliers se passaient maintenant
où il devenait difficile à distinguer le point où
l’imaginaire et le réel était identiques. Une
présence flottait dans l’air : une forme s’efforçait
de transparaître, de se tramer sur l’espace devenu indéfinissable
» […] « On l’y voyait !».
Le recours à la focalisation zéro donne plus de crédit
à la vision. Le narrateur semble avoir assimilé le
point de vue du héros. Cette confusion des points de vue
se justifient par l’origine et la nature de la résurrection
de Véra : c’est la force de la pensée, l’amour
et la volonté du comte qui redonnent vie à Véra.
C’est la position aussi de notre narrateur qui dit que : «
Les Idées sont des êtres vivants ! ». L’idée
vainc la mort : « […] comme il ne manquait plus que
Véra elle-même, tangible, extérieure, il fallut
bien qu’elle s’y trouvât ».
Il nous reste d’observer la situation, dans les deux textes,
du problème de l’hésitation entre le réel
et le surnaturel, problème qui fait le propre même
du genre fantastique.
Tous les théoriciens ont observé que ce qui donne
au mystère toute sa densité et ce qui entretient l’atmosphère
particulière du fantastique est la mise en concurrence de
la réalité et du surnaturel. Le problème que
se pose tout lecteur, après la lecture d’une œuvre
fantastique, est la suivante : les événements racontés
ont-ils réellement eu lieu ou sont-ils le produit d’un
rêve ou d’une hallucination ? Peut-on les expliquer
par la raison ou bien faut-il faire intervenir l’irrationnel
?
C’est le problème que pose Todorov, c’est-à-dire
le problème de l’option que doit faire le lecteur entre
une explication rationnelle, nous conduisant dans le domaine de
l’étrange et une explication accréditant l’irrationnel
: « Le fantastique c’est l’hésitation éprouvée
par un être qui ne connaît que les lois naturelles face
à un événement en apparence surnaturel ».
Selon Todorov, au moment de l’option du lecteur, le fantastique
se dissipe au profit soit de l’étrange qui est «
un surnaturel expliqué », soit du merveilleux qui est
« surnaturel accepté ».
Dans Véra, la mort de la jeune femme étant mise en
doute par le comte d’Athol, il se crée « un religieux
rêve » dans lequel il déguise la vérité
et il la transforme en imagination: «C’était
une négation de la mort élevée […] à
une puissance inconnue ! ».
Mais cette explication se dissipe au dernier moment par le coup
de théâtre qui présente au personnage halluciné
la clé du tombeau : le rêve a été réalité
et c’est certainement Véra qui avait laissé
tomber cette clé du lit nuptial. De la sorte, à la
fin du récit, le surnaturel envahit ironiquement le réel
pour concurrencer l’explication rationnelle qui devait s’imposer.
On peut dire qu’il s’agit d’une fin purement fantastique
dans Véra car, à travers cette fin, l’événement
est doublement interprétable, susceptible de se faire expliquer
par deux voies : l’une rationnelle, l’autre attestant
le surnaturel. Aucune explication convaincante pour la « résurrection
» de Véra qui laisse planer l’ambiguïté
totale, ambiguïté qui se prolonge dans notre esprit.
Le réel et l’irrationnel sont, les deux, à prendre
ou à laisser.
Dans Le Portrait ovale les choses ne sont pas très différentes.
Avant la fin extrême du récit, on serait tenté
de dire que la version surnaturelle des faits devrait s’imposer
en accréditant le caractère surnaturel de l’aventure
: le peintre qui a donné vie à la toile, au portrait,
a arraché la vie à sa jeune femme.
Cependant, une lecture plus attentive ramène le surnaturel
à une simple apparence. Le narrateur, pourquoi n’a-t-il
pas observé avant le portrait en question, ça veut
dire avant la lecture du petit bouquin qui en contenait l’appréciation
? Quand il le découvre, il n’est pas capable d’en
donner une description précise, il en donne une plutôt
vague : « le portrait d’une jeune fille déjà
mûrissante et presque femme […] Les bras, le sein, et
même les bouts des cheveux rayonnants, se fondaient insaisissablement
dans l’ombre vague mais profonde qui servait de fond à
l’ensemble. »
Cette deuxième partie du conte pourrait s’interpréter
aussi par le rêve. Le narrateur a pu s’endormir et prendre
pour vie réelle un mirage, un rêve. En plus, on doit
penser qu’il est blessé et fatigué et qu’il
reconnaît lui-même, à un moment donné,
la possibilité d’être en proie au délire
: « Je pris un profond intérêt, -ce fut peut-être
mon délire qui commençait qui en fut cause- je pris
un profond intérêt à ces peintures… »
En bonne exigence fantastique, les deux explications restent en
concurrence au terme de la lecture de la nouvelle. Cette ambiguïté
est délibérément entretenue par E.A. Poe qui
s’avère être maître de la perplexité
et de l’illusion qu’il induit au lecteur.
L’art fantastique des deux auteurs est fondé essentiellement
sur le mystère et l’ambiguïté la plus pure.
Jouant toujours sur le doute et l’hésitation entre
l’interprétation rationnelle ou irrationnelle des événements
racontés, chacun des deux auteurs témoigne d’une
stratégie fantastique mûre et donne la vraie dimension
de son talent dans un authentique chef-d’œuvre du genre.
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